Accueil de Toyama ou comment passer pour un abruti

Kieran sursauta légèrement lorsque Iku prit la parole ça lui semblait si peu naturel.
Le directeur se baissa, posant son sac au sol il se mit à fouiller dedans. Après quelques tâtonnement il attrapa enfin le petit bout de métal qui lui faisait défaut.

"Merci, va vraiment falloir que je m'achète un porte clef, ça devient grave!"

Après 5 bonnes minutes de recherches infructueuses la porte de son bureau s'ouvrit enfin. Kieran entra et fit signe aux deux garçons de le suivre dans la pièce aux murs recouverts de lambris, aux profond fauteuils de cuir et au massif bureau d'acajou. L'ambiance y était agréable, douce. Dans un angle de la pièce, posée sur un chevalet trônait une toile au nuances rouges et bleues représentant un personnage prostré, les yeux hagards et à l'air essoufflés, aux cheveux très longs, épars autours de lui.
Le personnage était tiré d'une BD française qui était plutôt passé inaperçue lors de sa sortie dans l'hexagone, c'était dommage d'ailleurs...

Kieran sortit de sa contemplation et se retourna vers les élèves.
"Bon, Mr Toyama, cela vous dérange-t-il que Mr Iwao soit présent le temps de notre entretien?"
Le directeur ouvrit la chemise cartonnée contenant le dossier de son nouvel élève et la première chose sur laquelle il tomba fut un compte rendu d'un conseil disciplinaire exposant les divers tords, provocations et autre du jeune.
* et ba, ça va pas être une partie de plaisir celui-là...* Kieran continua à feuilleter le dossier, relevés de notes, notes de profs sur le comportement déplorable du jeune homme "pourtant venu d'une bonne famille" comme le disait une de ses anciennes professeurs. Toyama, depuis le début ce nom lui disait quelque chose... Peut être un groupe financier... Enfin, père absent, mère effacée, mauvaises fréquentations, drogue et détérioration de matériel public...
Le môme en tenait une sacrée couche.

Que l'homme avait sursauté en l'entendant parler ne l'avait pas vraiment surpris, bien qu'il ne puisse pas vraiment expliquer pourquoi... Iku avait suivi les deux autres à l'intérieur, se demandant toujours vaguement ce qu'on pouvait bien vouloir de lui si peu de temps après son arrivée. Le bureau était toujours aussi... personnalisé que la première fois qu'il y était entré, Les deux fauteuils n'avaient pas bougé et divers objets des plus étranges et inédits traînaient de ci de là, comme la toile qui devait venir d'Europe, ou du moins le personnage représenté dessus. Il se demanda un moment si le directeur l'avait peinte lui même, avant de laisser son regard se promener dans le reste de la pièce, écoutant vaguement l'échange rapide entre les deux autres. Il avait vaguement l'impression d'être de trop, mais apparemment, le nouveau n'en avait absolument rien à faire.
Le directeur avait ouvert le dossier et le feuilletait tranquillement. Le môme observait de loin les événements, curieux de savoir comment on réagissait au dossiers des autres. Il connaissait déjà l'air dégoûté ou plein de fausse pitié qu'on lui offrait à lui, il le connaissait par cœur, mais pas comment on réagissait habituellement aux dossier d'autrui. D'un autre côté, le directeur de Fushigi semblait terriblement imprévisible et complètement différent de tout ce qu'il avait vu jusque là, à commencer par son absence totale de réaction négative quand il avait trouvé le dossier du petit brun et,visiblement, pareil pour le faux blond qui observait la scène avec l'air de celui qui a l'habitude de se trouver dans cette situation et s'ennuie plus que quoi que ce soit d'autre. Il ne l'accepterais probablement jamais si on venait lui dire qu'il ressemblait quand même à Iku, mais ce dernier ne pouvait s'empêcher de noter qu'il avaient la même attitude vis à vis de leur dossier et établissement présent, sauf que l'un avait décidé de se résigner à suivre son destin alors que l'autre s'amusait à se moquer de tout le système.
Et là, ils se trouvaient tout deux face à un cas inhabituel, M. l'directeur qui ressemblait plus à un ancien élève en visite qu'au responsable de l'établissement, les cheveux longs et l'air négligé, deux anneaux dans la lobe gauche... C'était quand même un peu déstabilisant, quoi qu'il ne s'en fasse pas grand chose. Ce serait un souvenir un peu différent quand il sera reparti, d'un grand pensionnat, plus de monde et moins d'effet famille auquel il n'appartenait pas.
N'empêche, qu'est ce qu'il faisait ici lui? Le gosse glissa ses deux mains dans ses poches, les manches trop longues pliées dessus. Il remonta du menton son haut qui s'était décidé de glisser tranquillement le long de l'épaule, du moins essaya, pour constater qu'il n'allait pas y arriver. Sa main gauche ressortit rapidement de la poche, tira sur le tissu qui retomberais probablement dans les trois minutes suivantes, et retourna ensuite se mettre à l'abri dans les poches du jeans élimé qui restait par dieu sait quel miracle autours de ses hanches. Il n'avait qu'à attendre, il saurait bien après, inutile de se faire de grandes idées qui s'avéreraient toutes être fausses après.

Après quelques minutes de lecture, Kieran referma la pochette cartonnée et reporta son attention sur les deux jeunes hommes installés devant lui.
Une petite brute et un môme complètement perdu. Le dossier de Sakaï lui avait rappelé celui d'un élève arrivé deux ans plus tôt, Keisuke, le protégé de Wenna. Délinquant, rebelle, froid et arrogant. Le jeune homme avait bien changé en l'espace de ses deux années.
Avec un peu de chance il arriverai peut être au même résultat avec le blond qui sait.

Le directeur posa ses mains à plat sur la pochette cartonnée et regarda Sakaï qui arborait un air légèrement amusé, provocation quand tu nous tiens...

"Je suppose que je ne vous surprendrait pas en vous disant que votre dossier n'est pas fabuleux, mais ce ne sera pas la première fois qu'un jeune comme vous entre dans mon établissement. J'espère que votre passage ici se révèlera plus concluant que dans vos précédentes écoles.
Vous pouvez y aller, sauf si vous avez quelque chose à ajouter?"

Kieran avait gardé un ton neutre, ni moralisateur, ni amical. De toute façons ce n'était pas son rôle, il n'était pas là pour faire ami-ami avec ses élèves.

[hrp] dsl pour ce pauvre message et le temps qu'il m'aura fallu pour le poster [hrp]

Le môme avait suivit l'échange sans broncher, les mains toujours bien en sécurité dans les poches, pour comprendre simplement qu'il avait eu raison en évaluant le blond qu'il avait mené jusqu'ici. Apparemment, son dossier devait être vraiment spectaculaire pour arracher une remarque, bien que très neutre, au directeur, qui n'avait pas dit un mot devant Iku. En fait, non, il ne pouvait pas dire ça en étant sûr d'avoir raison, parce que l'homme était trop inhabituel pour qu'on puisse le juger avec les critères lui servant habituellement pour la majorité des adultes. Le nouveau s'avança vers la porte, hésita, laissa glisser une remarque acerbe et sortit. Oui, ils se ressemblaient. Lui aussi semblait savoir qu'il quitterais l'établissement assez prochainement, même si ce n'était pas pour les mêmes raisons. L'un était sur qu'il allait se faire jeter, l'autre savait simplement qu'on l'empêcherais de s'attacher aux gens en l'ôtant à cette boite dans les deux mois suivants. Et ils s'étaient tout les deux retrouvés devant un cas inhabituel, réagissant pourtant de la même façon que ce dont ils avaient l'habitude, devant Kieran, qui semblait prendre son métier plus à cœur que ce qu'il avait vu jusque là, ça ou il avait d'autres méthodes, qui sait. Et en fait, ça n'aurait pas du lui importer, puisqu'il n'allait pas faire long feu à fushigi non plus. Avec un haussement d'épaule qui fit à nouveau glisser le col trop large pour découvrir son cou et le début d'une épaule pâle et osseuse, le petit brun s'approcha à son tour du bureau, sortant les mains de son jeans élimé, délavé et trop large pour s'incliner rapidement avant de remonter le t-shirt de sa gauche, toujours caché dans une manche démesurée, avalant complètement la carrure déjà insignifiante du gamin.

-Vous vouliez me parler?

Ses yeux jais cernés de noir vinrent rencontrer ceux, également jais, du directeur, patient, attendant qu'on lui indique ce qu'il faisait là. Il avait arrêté de chercher une quelconque erreur qu'il aurait pu avoir faite, sachant qu'on lui expliquerait de toute façon la raison de a venue, et restait poliment devant le bureau, détaillant du coin de l'œil les objets dessus avant de reporter son attention sur Kieran, l'air non pas ennuyé, mais plutôt résigné, sans que l'on puisse dire à quoi.

Kieran ferma les yeux lorsque Sakaï lui annonça qu'il aurai mieux fait de le renvoyer directement.
Comme dit le dicton: qui vivra verra. Il espérait juste que le jeune homme ne lui apporterai pas plus d'ennuis qu'il n'en avait déjà.

Le claquement sec de la porte retentit dans la pièce. C'est à ce moment là que le jeune Iwao se rappela à sa mémoire.
Le directeur le fixa quelques secondes puis sembla se reprendre.
Iwao Iku, un mystère pour ses collègues et pour lui même, élève dans la moyenne, pas plus ou moins brillant qu'un autre. Mais discret à tel point qu'il en devenait invisible.

"Oui, Je voulais savoir comment s'était passée votre première semaine ici, quelles sont vos impressions sur l'établissement, les cours, les bâtiments... Comment se passait votre intégration de manière générale. Il n'est jamais facile d'arriver en cour d'année et c'est chose encore moins aisée dans un établissement de cette taille."

Kieran ne s'attendait pas à une réaction quelle qu'elle soit. Les professeurs lui avaient bien dit que si il y avait bien quelque chose qui pouvait définir le jeune homme c'était son absence totale de réaction et ce en toute circonstances.

Il resta silencieux quelques secondes après qu'on lui ait posé cette question, tenté de demander simplement ce qu'on lui voulait au lieu de contourner la question, considérant que c'était sans doutes ce qu'aurait fait le blond qui venait de quitter la salle aurait fait, sans détours et sans hésitations, pressé d'en finir. Mais était il pressé? Après tout, il n'avait nul part où aller après si ce n'était sa chambre ou il pourrait s'isoler tranquillement, sortir son bloc à dessins, chercher pendant une demi-heure sans tirer un trait, se résigner à reranger le pauvre matériel et s'allonger pour une autre nuit vraisemblablement sans sommeil. Et puis, il était poli, il avait bien appris à se comporter quand même, discret peut-être mais pas désagréable à proprement parler, du moins pas par ses paroles, par ses actes peut-être. Bien qu'en fait, même là, il savait se fondre dans le mur et disparaître sans qu'on lui pose de question, se faire oublier. Mais était ce lui qui se faisait discret, ou était ce simplement qu'il ne se faisait pas remarquer, ne cherchait jamais l'attention et ne la gardait pas quand il l'avait? Après tout, ça n'avait pas grande importance.

La conclusion était qu'il n'avait rien de prévu, comme toujours, qu'on attendait quelque chose de lui et qu'on ne lui demanderais pas directement, et puisqu'on voulait l'avoir comme ça, il jouerais le jeu. Il n'avait rien à perdre dans l'affaire, puisqu'il n'avait rien gagné, et même si la curiosité était un défaut (une qualité?) qu'il ne possédait pas, il finirait bien par savoir pourquoi il avait été convoqué. Alors, allons y pour une réponse neutre.

-Ça va, merci de demander, mis à part la taille des bâtiments, je n'ai eu aucun problème. J'ai l'habitude d'arriver en cours d'année, ça ne pose donc pas de difficultés.

Non, sa voix n'avait pas changé depuis la dernière rencontre et ne changerais très probablement jamais, légère et régulière, manquant ce timbre timbre si commun aux êtres humains. Pas désagréable, non, loin de là, simplement creuse.